PATRIMOINE

Et la Gare de Liège-Guillemins devint écrin d’une oeuvre monumentale tout en couleurs

Jean-Luc DERU

C’est ce samedi, en fin d’après-midi, que se déroulera en gare de Liège-Guillemins, l’inauguration officielle de l’oeuvre monumentale colorée et temporaire de Daniel Buren, l’un des artistes français les plus reconnus sur la scène internationale. Née l’initiative du groupe Uhoda, la gare de Liège-Guillemins servira ainsi une année durant d’écrin et de  fantastique support à ce chantier artistique  singulier.  Conçue en rapport avec l’architecture voulue par Santiago Calatrava, l’œuvre, intitulée « Comme tombées du ciel, les couleurs in situ et en mouvement », se déploie sur l’ensemble des verrières de la gare, à travers un jeu de couleurs. Le budget de réalisation de l’œuvre hors avant-projet avoisine les 600 000 € ; une œuvre à 80% financée par le privé. Ce projet artistique monumental sera sans cesse mouvant selon la lumière du jour, les heures et les saisons. Pour l’apprécier… Débarquez en cité ardente d’ici au 15 octobre 2023.

« Je suis un partisan du décloisonnement de l’art contemporain. Une de mes motivations premières avec ce projet était de rendre visible au plus grand nombre une œuvre d’un artiste internationalement reconnu au travers d’un lieu populaire et de mettre en avant notre ville sur la scène culturelle internationale », confie Stéphan Uhoda, à l’initiative de ce projet grandiose, haut en couleur.
Avec ce geste, l’artiste international Daniel Buren métamorphose la gare dessinée par Calatrava et invite le public à renouveler son regard sur cette architecture consacrée au rail, sur les possibilités poétiques du quotidien et invite à la découverte d’expériences inattendues.

 Une proposition artistique hors norme

Lever les yeux. Contempler. Sourire. Les Liégeois, les habitués et les navetteurs de la gare de Liège-Guillemins ont appris le geste depuis plusieurs semaines, soit le temps qu’il a fallu à l’artiste français Daniel Buren, pour composer son chef d’œuvre.
« Comme tombées du ciel, les couleurs in situ et en mouvement » s’appuie sur la voûte principale et les deux casquettes latérales de la principale gare liégeoise. Daniel Buren est parti d’une analyse très précise de l’existant, en insistant seulement sur les données du lieu à partir d’un jeu très minimal, et en propose une transformation hors du commun.


L’artiste aime voir son travail comme un « emprunt du paysage », tiré de l’expression japonaise « Shakkei ». Pour un laps de temps défini, le travail de l’artiste et celui de l’architecte forment un tout. Empruntant ce sur quoi et avec quoi l’œuvre existe. L’œuvre recouvre en partie le toit de la gare de filtres auto-adhésifs colorés et transparents. Au total, sept couleurs ont été sélectionnées pour recouvrir 10.000 m2 de la toiture de l’édifice.

Tel un arc-en-ciel en mouvement

Ainsi, depuis plusieurs semaines, cinq couleurs (rose, vert, bleu, blanc et orange) ont été disposées en damier sur la verrière et deux autres (jaune et rouge) sur les deux casquettes latérales, leur forme faisant échos aux célèbres lambris de l’artiste, récurrents dans son travail depuis les années 1960.

À l’exception du rouge et jaune des casquettes, que l’artiste a voulu référer en clin d’œil au drapeau de la Province de Liège, le choix et l’articulation des couleurs ne découlent pas d’une demande spécifique ou d’une préférence esthétique de l’artiste. Elle est tributaire de la palette de couleurs disponible pour le matériel utilisé et d’un principe récurent dans son travail à savoir, positionner les couleurs de gauche à droite selon l’ordre alphabétique de celles-ci dans la langue du pays où son travail a lieu.

De la couleur sous nos pieds

« Du début à la fin d’une grande succession de blocs colorés, des lignes parallèles sont laissées vides pour laisser apparaître la couleur du ciel et ajouter aux couleurs de ce travail toutes les couleurs naturelles », explique l’artiste Daniel Buren. La disposition des couleurs en damier permet aux visiteurs de contempler de manière concomitante l’évolution du ciel et celle des projections de couleurs. Leurs permettant de découvrir et comprendre le rapport entre la lumière et la projection colorée. Une immersion totale dans la couleur (sans laisser de carreau vide), perdrait selon l’artiste, le sens de son travail.

© JL DERU / photo-daylight.com- photo-daylight@skynet.be -

« Les jours de soleil, on verra des taches de couleur sur le sol, très loin de soi et très proche de soi, selon où on se trouve dans la gare. Et ça devrait faire lever la tête de ceux qui s’aperçoivent qu’il y a de la couleur sous leurs pieds. À ce moment-là, ils verront ce qui a été fait. En deux temps », poursuit-il.

L’horizontalité de la structure rend la projection colorée d’autant plus visible. Au contraire des vitraux dans les églises qui, du fait de leur verticalité, n’engendrent que des projections minimes sur le sol.
En résulte un jeu de contrastes forts à la fois mobile grâce aux projections et reflets toujours changeants, et stable par l’effet des auto-adhésifs sur le toit.
Volontairement étalée sur une année, l’œuvre sera sans cesse mouvante, rythmée par les quatre saisons, ce choix participera à transformer de manière radicale le visage de cet écrin du rail, permettant aussi un renouvèlement du regard sur l’architecture tout en impulsant une nouvelle approche. De quoi inciter, plus que probablement, les photographes amateurs ou non à fixer pour l’éternité l’une ou l’autre des facettes de la gare, elle aussi, monumentale.

Une œuvre à 80% financée par le privé

Le budget de réalisation de l’œuvre hors avant-projet avoisinera les 600 000 € ; le risque financier est entièrement supporté par le groupe Uhoda, important groupe familial liégeois. Ce dernier ayant aussi l’habitude de nouer des partenariats avec d’autres acteurs privés afin de couvrir l’ensemble du budget de l’opération.

Le budget alloué par le secteur public via la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Ville et la Province de Liège, couvre une faible part du montant total, à savoir moins de 20%. Le secteur public a soutenu l’étude préparatoire visant à concevoir l’avant-projet de l’œuvre et à vérifier la faisabilité technique et juridique.
Les premiers partenaires privés majeurs du projet sont le groupe Ardent, la société Matexi, la société Vranken-Pommery Monopole, le groupe Eiffage, la Loterie Nationale et Sud Info. Le cabinet d’avocats Mosal, O.C.O Technical, la société Point Chaud, Altura Access, Liège Airport et Van der Valk Hôtels & Restaurants ont également rejoint le projet.

A admirer ou à vivre dès ce 15 octobre 2022  et jusqu’au 15 octobre 2023.

Inauguration accessible au public sans inscription ce samedi 15 octobre à 16h
Infos. www.colorexperience.be