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Paris-Nice: un contre-la-montre par équipes avec une nouvelle règle, révolution ou flop à venir ?

Ce mardi à Dampierre-en-Burly, un règlement inédit viendra pimenter le premier contre-la-montre par équipes couru sur Paris-Nice depuis trois décennies. Traditionnellement pris sur le troisième ou quatrième coureur de chaque équipe à franchir la ligne, le chrono sera cette fois pris pour chaque coureur quand il en terminera réellement. Si les équipes ont toutes élaboré des stratégies, on semble convaincu du côté des coureurs et de leurs directeurs sportifs que cette innovation n’apportera que des changements à la marge. 

A la question de savoir si son équipe UAE avait mis en place une stratégie particulière pour ce chrono par équipe, Tadej Pogacar a répondu dans un éclat de rire lundi après-midi à l'issue de la deuxième étape de Paris-Nice : "Une stratégie ? Oui, rouler à fond… rouler à fond."

Une façon un peu taquine pour le Slovène de botter en touche qui ne doit pas nous empêcher de dire que oui, une stratégie existe bel et bien. Imaginons pour le double vainqueur du Tour de France le scenario suivant. Avec deux petites secondes de retard au général sur le maillot jaune Mads Pedersen, Pogacar a toutes les chances de renverser la situation. Car même si dans le final, ses équipiers d’UAE Team Emirates, après avoir tout donné pour lui dans les 30 premiers kilomètres ne le suivaient plus, asphyxiés par l’effort, c’est bien son temps réel qui sera décompté, et non celui du troisième ou quatrième coureur comme c’est traditionnellement le cas. Pogacar, que l’on peut imaginer protégé et cajolé par son équipe dans la majeure partie de ce chrono collectif, pourrait alors dans les derniers hectomètres s’arracher, finir en solitaire et sprinter pour aller chercher ces quelques petites secondes qui le placeraient tout en haut du classement général de Paris-Nice déjà au soir de la troisième étape.  

Un exercice absent des 29 dernières éditions

Bien sûr, la réalité de la course nous en dira plus mardi à Dampierre-en-Burly. Et il y aura autant de stratégies que d’équipes engagées et que d’ambitions et d’imprévus pour celles-ci. Concernant Pogacar, il s’agira déjà d’essayer d’être dans le tempo, lors d’un exercice du chrono par équipe très particulier auquel il n’a pris part qu’une seule fois dans sa carrière professionnelle. Un exercice un peu tombé en désuétude et absent du programme de Paris-Nice lors des 29 dernières éditions. 

C’est d'ailleurs peut-être pour essayer de le remettre au goût du jour que les organisateurs de la "Course au Soleil" ont décidé de profiter d'un point spécifique du règlement UCI pour mettre en place cette innovation, jamais testée auparavant sur une grande course professionnelle. Quand Thierry Gouvenou, traceur du Tour de France a soulevé le lapin il en fin d’année dernière, l'information n'est pas tombée dans les oreilles d'un sourd en arrivant dans celles de François Lemarchand, directeur de Paris-Nice. On entend d'ici le facétieux Gouvenou lancer comme un pavé dans la marre le point 2.5.014 du règlement de l'Union Cycliste Internationale. "Au fait vous aviez déjà vu que sur le contre-la-montre par équipe, pour le classement de l’équipe, le règlement particulier de l’épreuve précisera sur quel coureur franchissant la ligne d’arrivée, le temps sera pris" ? Aussitôt dit, aussitôt appliqué.  

Madiot: "On continuera à courir pour protéger le leader"

Mais si l’affaire a beaucoup fait parler notamment dans les colonnes des journaux et des magazines spécialisés, elle n’est pas de nature à inquiéter plus que cela staffs et coureurs. A l'image de Marc Madiot, le manager général de l'équipe Groupama-FDJ qui réfute toute idée de chamboulement majeur. "Ça aurait pu être déterminant si l'exercice avait été plus court mais là ça n'aura pas une incidence énorme. De toute façon il y aura un leader par équipe, et on continuera à courir pour protéger le leader. Sur 8 ou 10 km ça aurait été différent mais là pour moi, ça va rester du classique."  

Malgré tout, une stratégie (et même 4 scenarios) a été élaborée en amont de la course par Philippe Mauduit, le directeur sportif de l’équipe française, dont les coureurs s’élanceront en milieu de paquet mardi, trois minutes après les UAE Team Emirates de Pogacar. "On peut imaginer, si on est dans le final à une toute petite seconde de la meilleure équipe de tenter un truc pour essayer d'aller grappiller cette seconde", explique-t-il. Et son leader David Gaudu de poursuivre: "C’est une bonne chose de parfois casser les codes, mais pour ceux qui jouent le classement général, je ne pense pas que cela change grand-chose au final."

"Ce dont on est sûr, prophétise de son côté François Lemarchand, c'est qu'on ne se retrouvera pas comme d'habitude après les chronos par équipes, avec un classement général au soir de l'étape dominé par les sept coureurs de la meilleure formation, devant les sept de l'équipe suivante et ainsi de suite. Ce sera intéressant de voir quelles tactiques les équipes vont adopter." 

Tantôt décrié pour son manque de lisibilité et son côté d'extrême spécialiste, tantôt adoré pour son aspect athlétique et esthétique, le contre-la-montre par équipe se redonnera peut-être là un nouvel élan, l'épreuve étant quelque peu en perte de vitesse ces dernières années. Absent du Tour de France depuis 2019, l'exercice n'a plus été proposé au peloton de Paris-Nice depuis 1993. Cette année-là, l'équipe Once l'avait emporté dans les rues de Roanne. 

Arnaud Souque, à Dampierre-en-Burly