(Montréal) Un nouvel ensemble de règlements de Santé Canada qui exigeront des étiquettes d’avertissement sur les cigarettes individuelles doit entrer en vigueur mardi.

Cette décision, annoncée plus tôt cette année, fait du Canada le premier pays au monde à appliquer de telles mesures visant à convaincre les fumeurs à renoncer à cette habitude et à dissuader les fumeurs potentiels de commencer à fumer.

Le libellé qui apparaîtra sur chaque cigarette, écrit en français et anglais sur le papier autour du filtre, inclut des avertissements comme le fait de fumer peut nuire aux enfants, endommager les organes et augmenter les chances d’avoir une leucémie. « Du poison dans chaque bouffée », signale l’un d’eux.

Rob Cunningham, analyste principal des politiques à la Société canadienne du cancer, prédit que les étiquettes dissuaderont les adolescents enclins à prendre cette habitude et pousseront les adultes dépendants à la nicotine à combattre le tabagisme.

« Pour les jeunes qui expérimentent en prenant une cigarette d’un ami, cela signifie qu’ils verront les avertissements sur les cigarettes, même s’ils ne voient pas l’emballage. Souvent, ce sont les enfants qui exhortent leurs parents à arrêter de fumer, et cela fournira de nouvelles informations et de nouveaux messages », selon M. Cunningham.

« Des dizaines d’études réalisées au Canada et ailleurs montrent l’efficacité de l’impression d’avertissements sur chaque cigarette », a-t-il ajouté.

Le tabagisme continue d’être l’un des problèmes de santé publique les plus importants au Canada et constitue la principale cause évitable de maladies et de décès prématurés au pays, selon ce qu’a écrit dans un communiqué daté du 31 mai dernier le ministre de la Santé de l’époque, Jean-Yves Duclos, lorsqu’il a annoncé les nouvelles mises en garde.

Environ 15 à 20 % des patients atteints de cancer sont des fumeurs au moment du diagnostic. Le pourcentage est plus élevé pour certains types, comme le cancer du poumon et les cancers de la tête et du cou, a indiqué le Dr Lawson Eng, qui est oncologue médical au Princess Margaret Cancer Centre de Toronto.

Il ne pouvait pas dire « avec certitude » que le message réduirait les taux, mais il a noté que les efforts passés ont réussi, en tandem avec d’autres mesures de santé publique, à le faire baisse.

« Je soupçonne que cela continuera probablement à aider à réduire la prévalence du tabagisme et à encourager les fumeurs à essayer d’arrêter », a avancé le Dr Eng.

La publicité, la promotion et le parrainage du tabac sont interdits au Canada et les mises en garde sur les paquets de cigarettes existent depuis 1972. En 2001, le Canada est devenu le premier pays à obliger les compagnies de tabac à imprimer des mises en garde illustrées à l’extérieur des paquets de cigarettes et à inclure des encarts contenant des messages de promotion de la santé.

Plus de 130 pays ont emboîté le pas, selon la Société canadienne du cancer.

Cependant, ce ne sont pas tous les fumeurs qui voient d’un bon œil les avertissements croissants.

« Je ne pense pas que cela changera grand-chose. Beaucoup de gens vont continuer à fumer, selon Giovany Lincourt. Quand je vois une photo d’un poumon noir, ça me frappe, mais je continue quand même, parce que c’est une habitude. »

Le Montréalais de 40 ans, qui a goûté sa première cigarette à l’âge de 16 ans, a estimé que des taxes encore plus élevées seraient plus dissuasives. Un paquet de 25 cigarettes coûte généralement entre 11 $ et 16 $, selon la marque et la province. « Ça fait mal au portefeuille, car ça coûte 400 $, 500 $ par mois. »

Des déclarations franches, notamment « La fumée du tabac nuit aux enfants » et « La cigarette cause le cancer », figureront parmi les six premiers messages. Une deuxième série de six devrait être imprimée sur les cigarettes en 2026.

Les cigarettes de grand format seront les premières à afficher les avertissements et seront vendues en magasin d’ici la fin juillet 2024, suivies par les cigarettes de format régulier, les petits cigares avec papier de manchette et les tubes d’ici la fin d’avril 2025, a précisé Santé Canada.

Les organisations financées par les compagnies de tabac se sont opposées à la poussée vers des messages plus forts, y compris cette plus récente étape.

La Coalition nationale contre le tabac de contrebande a averti en juin que les emballages du marché noir, moins chers, colorés et sans avertissements sanitaires, attirent les jeunes fumeurs et acheminent plus d’argent vers le crime organisé.

Une grande partie du financement de la coalition provient du Conseil canadien des fabricants de tabac, composé de trois des plus grandes compagnies de cigarettes actives au Canada : Rothmans, Benson & Hedges Inc., Imperial Tobacco Canada et JTI-Macdonald Corp.

Alors que de fortes hausses d’impôts ou des interdictions pures et simples de vente profiteraient en effet au marché noir, des augmentations progressives des prix et des messages plus stridents peuvent faire baisser les taux de tabagisme, selon Rob Cunningham. « La seule vraie raison pour laquelle ils peuvent s’opposer à quelque chose, c’est parce que cela va entraîner une réduction des ventes, et c’est exactement le but », a-t-il déclaré à propos des fabricants.

La Société canadienne du cancer et d’autres groupes de pression réclament une stratégie globale de fiscalité, de législation et de programmes renforcés pour réduire les taux de tabagisme – l’objectif de Santé Canada est que moins de 5 % de la population de 15 ans et plus d’ici 2035 fume, par rapport à 13 % en 2020. Les promotions de prix et les produits aromatisés – autorisés dans certaines provinces – devraient aussi être interdits, a déclaré M. Cunningham.

En mai, la Société canadienne du cancer, l’Association pulmonaire du Canada et la Fondation des maladies du cœur ont publié une lettre ouverte aux premiers ministres des 10 provinces disant qu’ils devraient faire pression pour réduire le tabagisme lors des négociations de règlement avec trois grandes compagnies de tabac qu’ils ont poursuivies il y a des années.

Les provinces demandent collectivement 500 milliards en dommages-intérêts, et les trois groupes de défense ont soutenu qu’au moins 10 % de l’argent d’un éventuel règlement devrait être consacré aux efforts de sevrage tabagique.