Antonin Dvorak, un fils d’aubergiste devenu maître

MARY EVANS/SIPA

Si la musique ne s’en était mêlée, Antonin Dvorak aurait probablement terminé sa vie aubergiste boucher, la profession de son père qu’il secondera dans le commerce familial jusqu’à ce que le destin n’en décide autrement. Dans l’émission Demandez le programme, David Abiker revient sur le destin passionnant de ce compositeur tchèque de la seconde moitié du XIXe siècle, auteur entre autre de la Symphonie du Nouveau Monde.

Dvorak naît en 1841 dans un village tchèque au nord de Prague. Si son père est musicien amateur, il n’est pas question d’offrir au jeune Antonin des études de musique, faute de moyens financiers.

C’est l’instituteur du village, puis ses professeurs, qui repèrent les dons exceptionnels de l’enfant puis de l’adolescent.

Grandir dans une famille populaire tchèque

Antonin apprendra d’abord l’allemand car c’est la condition pour tenir un commerce dans l’empire austro-hongrois. Mais il pourra aussi se perfectionner dans la musique. Jusqu’à l’âge de 15 ans, Antonin travaille néanmoins auprès de sa famille et c’est l’insistance de l’entourage du père qui convainc ce dernier de le laisser partir étudier l’orgue à Prague. Il y reste deux ans.

Diplômé en 1857, il s’essaie presque en secret à de premières compositions. S’il ne veut pas retourner à la boucherie de ses parents, Dvorak va devoir gagner sa vie. Un poste d’altiste se libère à la Prager Kapelle, un orchestre de variété.

Antonin Dvorak, élève de Liszt et Wagner

En 1862, l’orchestre est intégré au Théâtre provisoire de Prague. C’est dans la fosse et dans l’anonymat, auprès d’autres musiciens, qu’Antonin découvre véritablement la grande musique. Et pour cause : il aura pour chef d’orchestre Liszt, Wagner, et surtout Smetana, un autre grand musicien tchèque.

En 1865, âgé de 21 ans, Dvorak compose alors ses deux premières symphonies. Envoyée en Allemagne pour un concours, la partition de sa Première Symphonie est dans un premier temps perdue. Finalement, elle est retrouvée en 1923, 19 ans après sa mort.

Sous la protection du tchèque Bedrich Smetana

Dvorak joue de l’alto sous la direction de Smetana. Ce célèbre compositeur joue un rôle primordial dans le monde musical et politique tchèque. En plus d’être une figure tutélaire, Smetana aide Antonin à se faire connaitre dans les milieux artistiques et culturels de Prague.

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Le musicien va peu à peu trouver son style et quitter son poste d’altiste pour un poste d’organiste à l’église Saint-Adalbert de Prague. Bénéficiant de plus de temps pour s’adonner à la composition, il épouse une de ses élèves (faute d’avoir séduit sa sœur) : cette jeune chanteuse s’appelle Anna Cermakova.

Par ailleurs, en 1875, Smetana écrit à l’État et tente d’obtenir une bourse pour son élève, un artiste « pauvre et bien doué ».

La rencontre décisive avec Johannes Brahms

Agé de 34 ans, Dvorak est repéré par un certain Johannes Brahms, qui devient son ami et fait publier par son éditeur les 13 Chants moraves en 1878. La publication de ces chants étend la notoriété de Dvorak à travers toute l’Europe et marque le début d’une série d’œuvres imprégnées de l’esprit slave, comme le Sextuor à cordes. La gloire n’est plus très loin.

La fin des années 1870 et le tournant des années 80 sont des années musicalement prolixes pour Dvorak. Il pourrait être pleinement heureux mais il perd trois enfants en bas âge. La réputation de Dvorak s’étend jusqu’en Angleterre où il effectuera huit tournées à partir de 1884. Son Stabat Mater, ses merveilleuses Danses slaves, tout comme sa musique de chambre sont plébiscités. Ses créations sont désormais reconnues et n’ont plus rien à envier à celles des musiciens qu’il admire depuis toujours (Brahms et Schumann).

La renommée et le départ en Amérique

La renommée de Dvorak l’a conduit en Russie. Elle va l’emmener jusqu’au Nouveau Monde. En 1891, Dvorak reçoit un étrange télégramme d’une riche américaine, une certaine Jeannette Thuerber dans lequel elle lui écrit : « Voulez-vous accepter le poste de directeur du Conservatoire national de musique de New York à partir d’octobre 1892 ? Ainsi que la direction de six concerts ? » L’Amérique attend Dvorak et elle va l’inspirer.

Derrière cette demande de venue en Amérique, se cache un projet. Donner un son classique à l’Amérique et aller chercher, dans son folklore indien et noir, des inspirations qui nourriront le répertoire à venir. Un vrai défi que Dvorak va relever brillamment au poste de directeur du conservatoire de New York pendant 3 ans.

La première œuvre composée là-bas est sa Neuvième Symphonie, baptisée Symphonie « Du Nouveau Monde » : le succès est immédiat. Le séjour américain de Dvorak voit naître d’autres compositions très populaires, comme le Douzième Quatuor « Américain » et les 8 Humoresques, composées en 1874.

Retour à Prague et compositions nationalistes

Après deux années dans le Nouveau Monde, Dvorak rentre à Prague et y enseigne au conservatoire. Il se lance alors dans la composition de plusieurs poèmes symphoniques novateurs : L’Ondin, La Sorcière de midi, Le Rouet d’or et Le Pigeon des bois.

Inspirés par le folklore tchèque et ses légendes, Dvorak veut retranscrire en musique la tradition orale, notamment le langage parlé qui permet la transmission de la culture et des traditions. Le compositeur invente les intonations et achève surtout une œuvre commencée à New York : le Concerto pour violoncelle.

Dépeindre la société selon Dvorak

Au faîte de sa gloire en 1900 et âgé de 69 ans, le chantre de l’âme slave se découvre une passion pour les locomotives et les pigeons, qu’il passa de longues heures à regarder au cours de son existence. Dvorak consacrera les dernières années de sa vie à l’opéra : Rusalka est créé à Prague en 1901.

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En 1903 Dvorak crée un ultime opéra, Armide, et assiste au grand hommage qui lui est rendu lors du premier Festival de musique tchèque de Prague en 1904. Cela sonne comme une sorte d’aboutissement pour celui qui dût apprendre l’allemand pour être autorisé à travailler. Le compositeur meurt le 1er mai de la même année, il y a un peu plus de 122 ans, et est enterré auprès de son ami et mentor Bedrich Smetana sur les bords de la Moldau.

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Terminons avec ces mots de Dvorak qui, alors qu’à sa mort il fut célébré partout en Europe, affirme avec modestie : « Vous savez, je ne suis rien d’exceptionnel, je suis seulement un musicien tchèque ordinaire qui partout autour de lui entend de la musique, dans les forêts, dans les champs de blé, dans les torrents, dans les chansons populaires ; la nature, le travail, les récits sont les sources de mon inspiration. Faites l’éloge de ma musique mais pour moi le plus important sera ce qu’on pensera ici en Bohême. Je serai très touché et très heureux si ma musique est accueillie avec amour. »

David Abiker

 

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