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Nucléaire

Pourquoi la centrale nucléaire de Tchernobyl a explosé

Oui, il est possible de comprendre l’explosion du réacteur 4 de la centrale de Tchernobyl sans aucune notion de physique et sans rien comprendre à la radioactivité. Explications pas à pas.

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La centrale de Tchernobyl le 5 août 1986

Le réacteur a explosé le 26 avril 1986.

ZUFAROV / TASS / AFP

Qu’est-ce qu’une explosion ?

Contrairement à ce que laissent penser les films d’action, une explosion n’est pas une boule de feu qui propage débris et feu. Une explosion, c’est avant tout un contenant fermé – que ce soit une cocotte-minute ou un réacteur nucléaire – qui cède d’un coup face à une pression trop forte. Cela arrive quand un liquide est vaporisé car le gaz prend beaucoup plus de place que le liquide. Ainsi, lorsque l’on fait bouillir de l’eau, la vapeur se forme et monte en pression faute de pouvoir s’échapper. À un certain moment, le contenant cède, c’est l’explosion.  

Pourquoi y avait-il de la vapeur d’eau à Tchernobyl ?

Le principe des réacteurs nucléaires est de faire chauffer de l’eau avec un combustible nucléaire pour la transformer en vapeur. Celle-ci est acheminée à une turbine et va la faire tourner, ce qui permet de produire de l’électricité. La vapeur est ensuite refroidie, redevient de l’eau qui est réutilisée. Toute la difficulté est de maitriser la production de vapeur. Si on chauffe trop l’eau, on produira trop de vapeur et si on ne la libère pas, le système finira par céder quelque part.

Qu’est-ce qui a causé l’explosion ?

Comment souvent avec un accident, il n’y a pas une explication unique mais la conjonction de plusieurs facteurs qui mis bout à bout ont conduit à la catastrophe. Ici l’accident s’est produit alors que les ingénieurs voulaient conduire un test. Celui-ci consistait à prouver que l’installation était parfaitement sûre en cas de coupure de courant. L’alimentation électrique est en effet un élément capital d’un réacteur nucléaire car elle permet à l’eau de circuler en permanence. Or cette eau, si elle permet de faire tourner les turbines, sert aussi à refroidir le combustible nucléaire. Si elle s’arrête de circuler, le combustible va s’échauffer jusqu’à se détériorer tandis que l’eau va être transformée en vapeur. Aussi, pour pallier les coupures de courant, toutes les centrales disposent d’énormes groupes électrogènes, les "diesels". Problème : leur démarrage prend quelques dizaines de secondes. Le test consistait à montrer que l’électricité encore produite par les turbines peut servir à faire fonctionner les pompes à eau jusqu’au démarrage des diesels. Mais les ingénieurs se sont montrés incapables de contrôler le réacteur à ce moment-là.

Pourquoi ce test a-t-il échoué ?

D’abord, il ne s’est pas déroulé comme prévu. Il aurait dû se produire quelques heures plus tôt mais fut reporté sur demande des autorités pour satisfaire la demande en électricité à la suite d’un problème sur une autre centrale. Première conséquence, il fut mené par une équipe de nuit inexpérimentée qui ne parviendra pas à comprendre ce qui se passait. Deuxième conséquence, durant ce report, le réacteur a fonctionné mi-puissance. Ce qui a conduit à l’accumulation invisible d’un sous-produit de la réaction nucléaire, le xénon. Les opérations n’avaient aucun moyen de le détecter ni ne savaient le risque qu’il représentait. Pourtant cet élément allait empêcher le bon contrôle du réacteur.

Deuxième raison de l’échec du test, les erreurs humaines. D’abord, le réacteur fut trop ralenti par une erreur de manipulation. Lorsque les opérateurs ont voulu le relancer, le xénon qui s’était formé les en a empêchés. Cet élément est en effet un "poison" pour la réaction nucléaire. Malgré tout, l’ingénieur responsable des opérations a décidé de poursuivre l’expérience alors que les règles de sécurité auraient dû l’inciter à tout arrêter. Pire, il décida de faire passer la puissance au maximum au-delà des mesures de sécurité et ce d’un coup et non progressivement. La puissance finit par remonter. L’eau fut arrêtée pour le test. Quelques secondes plus tard, la puissance du réacteur fut 100 fois supérieure à sa puissance nominale. Il explosa.

Pourquoi le réacteur n’a-t-il pas pu être contrôlé ?

D’abord la présence de xénon a rendu sa maitrise très difficile. Ensuite, il faut pour comprendre se représenter les moyens prévus pour le contrôle de la réaction nucléaire. Les opérateurs disposent d’un "accélérateur" et d’un "frein". Concrètement il s’agit de barres de contrôle qui sont insérées ou retirées dans le réacteur. Mais dans ce type de réacteur, l’accélérateur (du graphite) et le frein (du bore) sont placés l’un au-dessus de l’autre sur une même barre. Aussi, quand les opérateurs ont décidé de retirer le frein pour relancer le réacteur, ils ont aussi introduit l’accélérateur. Mais quand ils ont voulu faire la procédure inverse au moment où ils se sont décidés à lancer la procédure d’arrêt d’urgence, l’accélérateur s’est bloqué dans la partie la plus chaude du réacteur qui avait commencé à se déformer. L’accident était inévitable.

Il s’agit donc d’un défaut de conception de la centrale ?

Les opérateurs ne savaient pas qu’en appuyant sur le frein, ils appuyaient aussi sur l’accélérateur un bref instant. Mais surtout, la mise en place des barres de contrôles était excessivement lente (environ 18 secondes). Autre défaut, pour des questions d’économie, c’est de l’eau classique qui était utilisée dans ce réacteur. Or celle-ci fait que quand elle est vaporisée, elle favorise la réaction nucléaire. Ce qui conduit à la formation d’encore plus de vapeur… Enfin, le réacteur ne disposait pas de ce que l’on appelle une "enceinte de confinement", destinée à maintenir le cœur enfermé en cas d’explosion.

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