Les fabricants saluent l'IGP Porcelaine de Limoges
Le diplôme de l'Indication géographique protégée (IGP) a été remis le 7 décembre par Romain Soubeyran, directeur général de l'INPI, à l'Union des fabricants de porcelaine de Limoges (Haute-Vienne), l'association qui a porté le projet.
Les obstacles ont été nombreux, la bataille rude. Des décennies pour décrocher cette Indication géographique protégée, la troisième IGP accordée à un produit manufacturé. Dans les années 2000, l'Union des fabricants de porcelaine de Limoges (Haute-Vienne) avait demandé la modification du décret de février 1978 qui régit la fabrication et la commercialisation de la porcelaine pour ajouter que "seules peuvent prétendre à l'appellation Porcelaine de Limoges les produits entièrement fabriqués et décorés à Limoges ou dans le département". Refus de l'Union Européenne, l'idée était trop protectionniste.
En juin 2011 Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État à l'Industrie, proposait une loi sur la consommation pour protéger les produits industriels et artisanaux, promulguée le 17 mars 2014 et complétée par deux décrets en juin 2015 et mars 2016. Vingt-sept fabricants et/ou décorateurs et quinze membres associés regroupés au sein de l'Association pour l'IG Porcelaine de Limoges ont déposé une demande auprès de l'INPI, demande homologuée le 1er décembre. Désormais, seuls les produits entièrement fabriqués et décorés en Haute-Vienne dans le respect du cahier des charges (fabrication du blanc, coulage, calibrage, estampage, pressage, finition, cuisson, émaillage…) bénéficieront de l'indication et seront estampillés "Porcelaine de Limoges" et/ou "Limoges", chaque industriel devant, au préalable, obtenir sa certification.
Valorisation d'un savoir-faire traditionnel
"Cette indication consacre la qualité d'un produit associé à une zone géographique, une garantie de qualité pour le consommateur, a rappelé Romain Soubeyran, directeur général de l’INPI. Pour les entreprises, c'est une façon de valoriser leur savoir-faire traditionnel et d'éviter des concurrences déloyales par des utilisations abusives de termes. Il a fallu surmonter des difficultés, la première étant de structurer une profession avec des entreprises en concurrence frontale pour adhérer à un projet commun. La seconde fut de rédiger un cahier des charges et enfin, il a fallu un dossier irréprochable en matière de qualité pour que l'IGP soit un label reconnu par les consommateurs."
Pour Michel Bernardaud, à la tête de la maison familiale depuis 1993 (330 salariés, 37 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2013), la détermination a payé. "C'est le couronnement de plus de cinquante ans d'efforts des industriels de Limoges, se félicite-t-il. Le parcours a été long, trop long, semé d'embûches, cala aurait été mieux de l'avoir il y a quarante ans mais beaucoup s'y étaient opposés. Cette clarification pour le consommateur et le respect de la zone d'origine d'un produit manufacturé vont dans le bon sens. Sur le plan économique, il n'y aura pas de révolution immédiate, un cercle vertueux est enclenché, il produira certainement ses effets sur le long terme." Même satisfaction pour Lionel Delaygue qui dirige Royal Limoges (40 salariés, 2 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2016). "C'est un aboutissement, j'espère que cela se caractérisera non par des contraintes nouvelles, mais par des règles du jeu plus claires. Cela évitera les effets néfastes de ceux qui usurperont notre appellation, notre image de marque en souffrait. Enfin au niveau économique, je n'en attends rien."
Les porcelainiers ne disposaient pas de moyens juridiques pour lutter contre les copies, du blanc fabriqué en Chine ou ailleurs revenait à Limoges pour y être abusivement décoré et estampillé. Désormais, les contrefacteurs encourent deux ans de prison et 300 000 euros d'amende. Pour Alain Mouly, président de l'Union des fabricants de porcelaine de Limoges, qui a porté cette candidature, la donne va changer pour les industriels. "Ce jour est à marquer d'une pierre blanche, nous avons été écoutés et entendus. Au départ, l'intérêt de la démarche n'a pas été bien compris, surtout par les petites entreprises, j'ai prêché la bonne parole car tout le monde avait à y gagner. Les porcelainiers peuvent espérer vendre plus et plus cher."
1 200 emplois
Souvent copiée, la porcelaine de Limoges s'est développée suite à la découverte fortuite d'un gisement de kaolin à Marcognac, dans le sud de la Haute-Vienne, en 1768. De nombreuses manufactures seront créées, employant jusqu'à plus de 10 000 ouvriers au début du XXème siècle. Ses atouts, à savoir sa finesse, sa translucidité, sa dureté et ses décors spécifiques, lui conféreront une réputation internationale. Mais faute de reconnaissance géographique officielle et d'entente entre eux, les fabricants seront victimes d'une concurrence étrangère déloyale. La filière compte aujourd’hui 1 200 salariés pour un chiffre d'affaires de 115 millions d'euros dont la moitié à l’export.
Corinne Mérigaud
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