Démocratie et libéralisme, deux notions antinomiques

par Yann
vendredi 19 octobre 2012

Ou comment en occident, on a fini par considérer ces deux notions comme indissociables alors qu’elles sont de nature antinomique.

Il est généralement admis que liberté rime avec démocratie. La notion finit de s’enraciner en occident à la fin de la seconde guerre mondiale alors que sur les cendres encore chaudes du Fascisme, deux idéologies se font fièrement face, le Capitalisme à l’Ouest et le Communisme à l’Est. L’ennemi commun vaincu, ces deux ennemis naturels se retrouvent confrontés. Les horreurs de la guerre les décourageront de poursuivre cette folie et ces deux camps se partageront l’Europe par le biais du rideau de fer. Le monde et l’Europe deviennent bipolaires.

A l’Est de l’Europe, les pays sous influence soviétique, prendront la dénomination de démocraties populaires, alors que par mimétisme d’opposition, celles de l’Ouest se feront appeler démocraties libérales. Cette dénomination est importante car elle forgera dans l’inconscient collectif des vainqueurs de la guerre froide, un étroit rapport entre l’idéal de démocratie et celui de liberté.

Aujourd’hui notre conception de la démocratie est qu’elle est la gardienne et la garante des libertés individuelles. Et cette conception n’est pas entièrement fausse. En effet le libéralisme, à ses débuts était une réponse à l’absolutisme monarchique. Les premiers théoriciens du libéralisme en se basant sur la notion de droit naturel considéraient que les hommes, par leur nature commune partagent les mêmes droits, tel que la liberté et l’égalité. Cette approche remettait donc en question la légitimité du pouvoir absolu du roi et mena aux idées d’Etat de droit et de souveraineté du peuple, deux notions fondamentales en démocratie. Les idéaux libéraux furent donc bel et bien le ciment sur lequel s’est construite la démocratie en France et en Angleterre. Pour devenir libre, le peuple devait s’émanciper du Roi et assumer sa propre souveraineté.

Toutefois, le courant libéral ne s’est pas arrêté au transfert de souveraineté du roi au peuple. L’air grisant de la liberté s’est abattu sur tous les aspects de la société. Et très vite on a rapproché individualisme et libéralisme. D’abord afin de garantir les libertés individuelles tel que la liberté de culte, d’expression, de circulation… Ensuite, afin de garantir la liberté économique, le droit d’entreprendre et surtout le droit de s’enrichir. Et insidieusement, par l’avènement du capitalisme on a associé à l’idéal de démocratie et de libéralisme, l’individualisme.

C’est cette notion d’individualisme associée à celle de libéralisme qui est antinomique de la notion de démocratie. Selon la célèbre formule d’Abraham Lincoln, la démocratie c’est « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ». A partir de là une société qui prône l’individu, s’éloigne de l’idéal de démocratie. En prônant l’individu, on finit par détruire la notion de peuple, ainsi on crée une société dirigée par un ensemble d’individus souverains. Sans un sentiment d’appartenance à une communauté qui dépasse notre intérêt individuel, il n’y a pas de démocratie possible et encore moins de liberté. Rousseau dans son ouvrage du contrat social stipule que « l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté ». Ceci est vrai si le peuple en tant qu’ensemble est souverain. La somme d’individus se partageant la souveraineté, ne mène qu’au conflit d’intérêts et à la fracture sociale.

Un modèle de société qui prône l’individu ne devrait pas pouvoir se targuer d’endosser les valeurs de la démocratie. La démocratie n’est pas la défense de ses intérêts individuels ni ceux d’un groupe restreint. La démocratie est un idéal, où le peuple est émancipé, responsable de lui-même et maître de sa destinée. Le capitalisme moderne allié au libéralisme économique a entaché cet idéal et l’homme au sein d’une société dite « civilisée » est aujourd’hui encore « un loup » pour l’homme.


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