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Écoles fermées, télétravail, couvre-feu: quelle efficacité contre l’épidémie?

Le personnel médical de l’unité d’infectiologie de l’hôpital de Gonesse, en banlieue parisienne, se prépare dans un couloir avant d’aller visiter un patient victime du Covid-19. CHRISTOPHE ARCHAMBAULT/AFP

Pour ralentir la course du virus, il faut réduire les occasions de contaminations, donc nos contacts sociaux.

L’épidémie de Covid-19 enregistre une telle accélération en France qu’il ne semble même plus possible d’attendre de connaître l’impact du couvre-feu imposé à 54 départements pour réfléchir à un nouvel arsenal de mesures. «Nous sommes nous-mêmes surpris par la brutalité de ce qui est en train de se passer depuis dix jours», a admis lundi le président du conseil scientifique, Jean-François Delfraissy. Mais si le mot «reconfinement» n’est plus tabou dans la bouche d’Emmanuel Macron, l’espoir est encore d’éviter que celui-ci soit aussi large et pénalisant qu’au printemps dernier. Pour cela, différents leviers de réduction de la vie sociale existent, qui ne sont rien d’autre que des composantes du confinement que l’on a connu, et sur l’efficacité desquels les connaissances ont progressé grâce à la recherche scientifique et aux retours d’expérience.

● Fermer les établissements scolaires et les universités

C’est l’un des points de débat les plus sensibles. Faut-il fermer les établissements scolaires, et si oui, de quel niveau? «La fermeture des lycées et universités peut être un important levier d’action contre l’épidémie», estime Mircea Sofonea, épidémiologiste à l’Université de Montpellier, qui rappelle qu’«un lycéen a le même impact épidémiologique qu’un adulte». Déjà, depuis le 6 octobre, les universités françaises ne peuvent plus dépasser 50% de la capacité d’accueil de leurs locaux. Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale à l’Université de Genève, plaide pour la fermeture physique totale des établissements d’enseignement supérieur et secondaire, pendant «environ deux semaines, afin de casser la courbe de progression du virus sans causer de décrochages scolaires irréparables».

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La question des jeunes enfants est davantage débattue. «On ne connaît pas bien leur rôle dans la chaîne de transmission du virus», rappelle l’épidémiologiste. On sait en revanche qu’ils présentent peu de symptômes lorsqu’ils sont contaminés. Associé au handicap que représente leur garde pour les parents en activité, ce dernier argument a jusqu’à présent plaidé en faveur d’une ouverture des écoles primaires. Antoine Flahault estime néanmoins souhaitable que les élèves portent le masque dès 6 ans, et que la ventilation dans les écoles et les crèches soit améliorée.

Travailler à distance est une très bonne façon de réduire le nombre de contacts dans l’entreprise mais aussi dans les transports en commun

Antoine Flahault, directeur de l'institut de santé globale de l’Université de Genève

● Renforcer le télétravail

Depuis le 14 octobre, la pratique est fortement encouragée, à raison de 2 ou 3 jours par semaine, dans les territoires en état d’urgence sanitaire avec couvre-feu. Le président de la République avait alors reconnu que télétravailler n’est pas toujours évident selon le contexte familial, et qu’on peut éprouver le «besoin d’échanger avec (ses) collègues». Mardi, toutefois, la ministre du Travail, Élisabeth Borne, a estimé sur Franceinfo que la situation sanitaire actuelle impose d’aller «à fond» sur le télétravail lorsque le poste occupé le permet. «Travailler à distance est une très bonne façon de réduire le nombre de contacts dans l’entreprise mais aussi dans les transports en commun», rappelle Antoine Flahault. Le Pr Delfraissy a par ailleurs appelé à la plus grande prudence dans les restaurants d’entreprise.

Les clusters recensés dans le milieu professionnel, privé comme public, s’élevaient à 916 sur 4 365 au 15 octobre, soit davantage que dans les établissements scolaires, selon Santé publique France.

● Interdire les grands rassemblements

Dans les 54 départements placés sous couvre-feu, les établissements recevant du public en plein air comme les stades peuvent encore recevoir jusqu’à 1000 personnes. Il n’est plus possible en revanche d’utiliser de salles de réception pour organiser une fête, et les réunions de plus de 6 personnes dans l’espace public sont interdites sur tout le territoire. Une étude récente publiée dans le Lancet Infectious Diseases par des chercheurs de l’Université d’Édimbourg estimait que l’interdiction des événements publics était la mesure la plus efficace, devant la fermeture des écoles, le télétravail, et les restrictions aux déplacements dans le pays, pour faire baisser l’indicateur R, reflet de la vitesse de propagation de l’épidémie. Selon leurs calculs basés sur 131 pays, en un mois l’interdiction des événements publics avait abaissé la valeur de R de 34%. Les auteurs de l’étude précisent toutefois que l’efficacité de la mesure pourrait tenir à ce qu’elle fut souvent la première mise en place. «Toutes les autres viennent ensuite s’additionner, parfois plusieurs à la fois, ce qui rend plus complexe l’analyse de leur impact respectif», explique au Figaro le Pr Harish Nair.

Un couvre-feu n’est rien d’autre qu’un confinement nocturne. Plus vous l’allongez, plus il a d’efficacité en réduisant les contacts sociaux

Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale à l’Université de Genève

● Avancer l’heure du couvre-feu ou confiner le week-end

Imposé à l’Île-de-France et 8 métropoles le 16 octobre, puis élargi à 54 départements depuis samedi dernier, le couvre-feu est un peu trop récent pour que ses effets sur la courbe épidémique soient mesurables. Néanmoins, l’expérience guyanaise de l’été dernier aurait, semble-t-il, convaincu le chef de l’État sur son utilité. Dans le département ultramarin, en deux mois (juin-juillet), le R était retombé de 1,7 à 1,1 (-36%), ce qui avait permis de relâcher la pression sur les services de réanimation. D’aucuns remarquent toutefois qu’il est là aussi difficile de distinguer l’efficacité du couvre-feu guyanais, des autres mesures l’ayant accompagné (confinements localisés, fermeture de la frontière avec le Brésil…). En Guyane, le couvre-feu a d’abord été mis en place de 21 heures à 6 heures, puis de 17 heures à 5 heures du matin. Le week-end, il commençait à 13 heures le vendredi et finissait à 5 heures le lundi. «Un couvre-feu n’est rien d’autre qu’un confinement nocturne, analyse Antoine Flahault. Plus vous l’allongez, plus il a d’efficacité en réduisant les contacts sociaux. L’étendre au week-end ne fera que renforcer cette dernière.»

Les experts le martèlent d’ailleurs pour toutes les mesures : elles ne visent qu’à une chose, réduire nos contacts contaminants. Il est possible d’y arriver de deux façons : en rendant nos interactions moins risquées grâce aux gestes barrières, déjà largement adoptés, ou en rétrécissant notre «bulle sociale», ce à quoi visent toutes les mesures de confinement. «Avec un R à 1,37 et non à 3 comme en mars, nous ne sommes pas si loin de pouvoir contrôler l’épidémie, estime Mircea Sofonea. Beaucoup de réflexes ont déjà été adoptés, mais il faudrait moduler le message selon les âges, car les efforts attendus ne sont pas les mêmes pour les jeunes ou pour les plus de 65 ans. Il nous reste enfin à faire un effort dans la sphère privée, jusqu’à ce que les beaux jours reviennent.»

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23 commentaires
  • juliokr

    le

    En gros les scientifiques et spécialistes ne sont pas d'accord entre eux.

  • anonym2018

    le

    Officiellement, les bars ont été fermés à Paris, mais dans les faits, je n’ai encore vu aucun bar fermé. Aujourd’hui encore, les bars sont pleins, les tables collées les unes aux autres, aucun masque. Quand va-t-on enfin les fermer réellement ???

  • Sylvain781

    le

    Ouvrir les écoles ? Certes. Mais à chaque symptôme covid, il faut sortir l enfant. Or ces symptômes sont : nez qui coule, mal de gorge... Bref, en novembre et décembre, 99% des enfants.... De fait, on va donc renvoyer les enfants chez eux

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