Depuis l'annonce du confinement, certains psychiatres et psychologues ont mis en place des consultation à distance. — JOEL SAGET / AFP

PSYCHOLOGIE

Coronavirus : Quelles sont les conséquences de l’épidémie pour les patients suivis par un psy ?

Hélène Sergent

La mise en place du confinement en France bouleverse le suivi psychologique des patients et fragilise ceux qui souffrent de troubles mentaux

  • La population française est entrée, ce mardi à midi, dans un confinement totalement inédit afin d’endiguer la propagation de l’épidémie de coronavirus.
  • Une situation qui génère beaucoup d’anxiété et touche plus particulièrement les personnes déjà vulnérables psychologiquement.
  • Si les déplacements pour « motif de santé » restent toujours autorisés sur présentation d’une attestation, les psychiatres et psychologues sont eux aussi soumis au confinement et privilégient désormais les consultations à distance.

Laura* a reçu l’email quelques minutes avant l'allocution d'Emmanuel Macron, lundi 16 mars. « Le thérapeute que je consulte depuis près de deux ans m’a informé qu’il mettait en place des consultations par téléphone pour les prochaines semaines », explique la jeune femme, visiblement soulagée. Pour elle, comme pour des milliers de Français engagés dans un suivi psychologique ou psychiatrique chez un praticien libéral, l'annonce du confinement total pour endiguer l'épidémie de coronavirus a généré quelques inquiétudes.

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« J’étais sujette à des crises d’angoisse et des crises de panique après un épuisement professionnel et cette anxiété est réapparue le week-end dernier avec l’accélération de l’épidémie et les mesures prises par le gouvernement », confie Laura. Consciente des difficultés à poursuivre les séances en tête à tête au cabinet de son psychologue, l’éventualité d’une interruption de sa thérapie a accentué son stress. Mais attachés à maintenir le lien tissé avec leurs patients, les soignants libéraux tentent de s’adapter à cette situation et anticipent des besoins qui pourraient augmenter au fur et à mesure du confinement.

« Le niveau d’anxiété va augmenter »

Ce mardi à midi, la France est officiellement entrée dans une période de confinement strict de sa population pour une période de quinze jours minimum. Une période au cours de laquelle les Français pourront sortir seulement pour faire leurs courses, aller à la pharmacie, se rendre au travail lorsque cela est nécessaire ou s’aérer pour faire un peu d’exercice. Une situation exceptionnelle mise en place pour ralentir et empêcher au maximum la diffusion du virus.

«Le niveau d’anxiété de la population générale va probablement augmenter. Et les populations vulnérables, qui souffrent déjà de troubles psychiques ou plus vulnérables psychologiquement vont être plus touchées », estime Fabienne El-Khoury, docteure en santé publique et responsable en épidémiologie au sein du Groupe hospitalier universitaire (GHU) Paris psychiatrie & neurosciences.

En Chine, premier pays secoué par l’épidémie et visé par des mesures de confinement drastiques, une étude a été menée sur le « degré de détresse psychologique de la population chinoise suite à l’épidémie de Covid-19 ». Les résultats ont été publiés dans le journal médical The Lancet, soulignait ce lundi Catherine Tourette-Turgis, directrice du master en éducation thérapeutique à Sorbonne-Université et chercheuse au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam). Dans son article (en ligne sur le site The Conversation), la chercheuse rapporte :

« Les auteurs de l’étude montrent que pour 35 % des répondants (…) le résultat obtenu révèle un stress psychologique modéré, et pour 5,14 %, un stress sévère »

Des chiffres qui pointent, selon Fabienne El-Khoury, la nécessité de diffuser des informations et des recommandations sur ce sujet : « Il faut vraiment penser à des messages spécifiques de prévention sur la santé mentale », estime-t-elle.

Conserver sa routine

La psychiatre Fanny Jacq, elle, se veut rassurante : « Parce que les patients vont ressentir davantage d’anxiété ou d’angoisse, ils vont avoir envie d’un suivi plus régulier et plus intense. Rappelons que les consultations chez un psychologue ou un psychiatre font partie des dérogations médicales justifiant un déplacement ». Cofondatrice d’une plateforme de téléconsultation en psychiatrie, elle a noté ces derniers jours une « très forte recrudescence des demandes » de la part de ses confrères et consœurs. Et précise : « La plupart des psychiatres vont pratiquer le télétravail pour respecter les mesures de confinement. »

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Et ce besoin de suivi risque de devenir plus important encore pour les populations déjà fragilisées, abonde la psychiatre : « Pour les patients claustrophobes, hypocondriaques ou souffrant de nosophobie (la peur de contracter une maladie), l’angoisse peut exploser pendant le confinement. Les personnes psychotiques vont, elles aussi, être plus touchées. Idem pour celles et ceux qui ont développé une addiction au sport : ils risquent de ressentir d’importantes frustrations, de la colère. »

Pour tenter d’apporter une réponse et un soutien à celles et ceux qui souffriraient des effets du confinement, Fanny Jacq a élaboré un module d’accompagnement dédié au confinement et accessible gratuitementsur l'application de soutien psychologique « Mon sherpa ».

Pour préserver sa santé mentale, la psychiatre insiste : « Il faut essayer de vivre comme si vous n’étiez pas confiné. Conserver un rythme jour-nuit, ne pas se coucher trop tard, faire attention à son alimentation. Pour tous ceux qui sont en télétravail, respectez vos horaires habituels et prenez le temps de faire une véritable pause pour le déjeuner. (…) Le maintien des routines est très important, il faut essayer d’avoir le sentiment que rien ne bouge ou le moins possible, sinon, cela peut développer des angoisses ».

Laura, elle, a d’ores et déjà pris rendez-vous avec son thérapeute pour la fin de semaine : « Même si une séance par téléphone sera forcément différente des séances classiques, je sens qu’après cette première semaine de confinement passée seule à mon domicile, ça va être nécessaire et bénéfique. »

*Le prénom a été modifié

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