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Port du masque : un risque pour le développement des enfants ?

ÉCLAIRAGE - Avec les visages masqués, les enfants ne peuvent plus lire les expressions sur les visages. Le problème est particulièrement important chez les moins de trois ans.

Un enseignant allemand portant un masque (illustration) Crédit : INA FASSBENDER / AFP
Coline Daclin

Avec l'épidémie de coronavirus, c'est un nouveau monde qui se dessine. Des personnes masquées, qui respectent une distance physique d'au moins un mètre partout où elles le peuvent, une attention redoublée pour le lavage des mains... Et cela pourrait avoir des conséquences à long terme, en particulier pour les enfants. 

Depuis la fin du confinement, certains spécialistes s'inquiètent en particulier des conséquences du port du masque pour les enfants. On se demande s'ils doivent en porter, mais surtout si le fait d'être entourés de personnes avec des masques ne risque pas d'avoir un impact sur leur développement. 

Déjà le 4 mai, deux psychologues cliniciennes écrivaient une tribune dans Libération pour l'adoption de masques transparents dans les crèches. Pour la psychiatre pour enfants Nathalie Michaud aussi, il est très important que les enfants puissent voir le visage des personnes qui s'occupent d'eux.

Un risque dans le développement du langage

"Les enfants ont besoin de lire les expressions, et le masque empêche de voir les mimiques. C'est un vrai souci quand on s'occupe de petits enfants", explique-t-elle à RTL.fr. Pour la psychiatre, le problème est particulièrement important chez les moins de trois ans, tous ceux qui n'ont pas encore complètement acquis le langage.

"Avec le masque, ces enfants qui ont l'habitude de communiquer en regardant les expressions des adultes sont perturbés. Le risque, c'est qu'ils arrêtent d'essayer de communiquer tout court", poursuit le Dr Michaud. Elle évoque aussi le Style Face Experiment, une expérience menée en 1975 qui consistait pour des mères à garder le visage impassible devant leur enfant. Le bébé tentait d'abord d'attirer l'attention de sa mère, puis se détournait d'elle et arrêtait la communication.

Et le problème ne se poserait pas que pour les tout-petits, mais aussi pour les enfants avec des pathologies comme l'autisme, ou ceux qui ont des problèmes de langage. "Avec les masques, il y a une gêne pour comprendre et un changement de la voix. Ces enfants peuvent avoir plus de mal à comprendre les autres et à se faire comprendre", assure Nathalie Michaud.

Le masque, toujours primordial

Selon le Dr Robert Cohen, pédiatre infectiologue et vice-président de la Société Française de Pédiatrie, cette question du développement des enfants face aux masques est "un sujet réel, un vrai souci". C'est d'ailleurs pour cette raison que le gouvernement ne recommande pas le masque aux puéricultrices quand elles sont avec les enfants.

Pour lui, la balance bénéfice-risque est toutefois toujours en faveur du port du masque, car le danger de l'épidémie est plus important est plus immédiat. Même si le danger n'est pas tant la transmission entre enfants, celui de la transmission d'adulte à enfant, ou d'enfant à adulte reste important. "Mais il va falloir faire des études sur le sujet, et trouver un équilibre", concède-t-il.

Dans ces circonstances, le pédiatre infectiologue suggère notamment qu'on étudie le recours aux visières transparentes pour les personnes en contact avec des enfants en bas âge, même si celles-ci "sont moins efficaces", selon lui.

La visière transparente, une solution ?

C'est la solution qu'a choisie le Dr Michaud pour ses consultations avec des enfants. "J'ai eu une petite fille en consultation et elle s'est mise à me poser beaucoup de questions sur ma visière", raconte le médecin. "Au bout d'un moment, j'ai compris qu'elle associait la visière à un heaume de chevalier : elle croyait que j'étais déguisée. C'est vrai que quand on parle de soi et de ces affects, la visière a un côté un peu incongru, voire grotesque", s'amuse-t-elle. En attendant, elle reste tout de même essentielle quand il n'est pas possible de respecter la distanciation physique.

Selon le Dr Cohen, il ne faut toutefois pas s'alarmer. "Au début, les enfants nous regardaient de travers. Maintenant que leurs parents portent aussi des masques, ils commencent à s'habituer", assure-t-il.

En tant que psychiatre, le Dr Michaud observe aussi un autre aléa du masque. "Les enfants posent beaucoup de questions sur le masque, ils s'interrogent sur ce qu'ils entendent. Ils peuvent aussi se retrouver dans des situations de conflit, où ils ne savent pas s'ils doivent porter un masque ou pas, qui ils doivent écouter... Cela peut générer de l'angoisse", soutient-elle. Le mieux à faire dans ces cas-là : en parler avec eux, et les rassurer comme on peut.

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